Ce besoin a été exprimé lors du débat organisé par l’Association Burundaise des Écrivains et Promoteurs du Livre (ABEPL) ce 13/04/2023 à l’IFB sur la place du livre dans la culture burundaise.

Tenu en prévision de la Journée mondiale du livre et du droit d’auteur qui sera célébrée le 23/04/2023, ce rendez-vous a réuni un public varié avec un débat sur l’importance de la lecture et de l’écriture dans la promotion de l’identité burundaise et des valeurs culturelles. D’abord les constats, en partant du contexte socio-économique qui affecte la plupart des ménages et collectivités au Burundi: “L’absence des sources de lecture en raison d’un manque d’infrastructures et de ressources, ainsi que des modes de vie tournant autour de l’agriculture et de l’élevage dans les milieux ruraux, limitent l’engouement pour la culture de la lecture et de l’écriture au Burundi. Ces activités peuvent être considérées comme matériellement peu utiles pour les familles par rapport au travail dans les champs, qui génère à manger en quelques mois…” rappellera le journaliste Salvator Niyonizigiye, animateur d’un club de lecture.

L’auteure pour littérature jeunesse Inès Mbeshurubusa, lors du débat de ce 13/04/2023

La professeur de littérature Concilie Nibigira, elle, rappellera la pesanteur de l’oralité dans la société burundaise: “Au Burundi, les gens sont souvent stigmatisés s’ils osent parler ou écrire des livres, ce qui crée une culture de la discrétion en ce qui concerne la littérature“.

Un contexte social peu favorable à la croissance du livre donc, même si, comme le note Lionel Ntasano, Directeur artistique des éditions Gusoma, “des jeunes sont de plus en plus impliqués dans l’écriture, nourris par l’avènement des réseaux sociaux, leur permettant pour un court répit de contourner la rareté du livre liée à la complexité technique et surtout financière engagée dans sa production“.

Tout commence en famille…

Le débat qui s’en est suivi s’est porté sur l’identification de l’espace-lanterne en matière de promotion de la lecture. Si certains ont appelé l’école à jouer ce rôle, Inès Mbesherubusa, auteure de littérature jeunesse a insisté sur “des parents [qui] éduquent leurs enfants à la lecture en leur fournissant un environnement favorable à la maison et en leur lisant des histoires dès le jeune âge. Il est difficile d’aimer le livre, de l’acheter à l’âge adulte quand on ne l’a jamais rencontré encore enfant. Les parents peuvent s’assurer que leurs enfants ont accès à des livres et autres matériels de lecture en les prenant à la bibliothèque ou en leur en achetant“.

L’ancien Président du Burundi Sylvestre Ntibantunganya

Et c’est ici que les choses se compliquent: à part la médiathèque de l’IFB et peut-être l’Université du Burundi et les CLACs, les bibliothèques (surtout scolaires) à travers le Burundi sont pauvres, peu mises à jour. L’ancien Président du Burundi Sylvestre Ntibantunganya notera que “si les coûts élevés des livres peuvent rendre leur acquisition difficile pour les Burundais à faible pouvoir d’achat, il est possible de surmonter ces défis par des politiques gouvernementales encourageant les maisons d’éditions et les initiatives pour la promotion de jeunes écrivains prometteurs , depuis l’écriture du manuscrit jusqu’à la diffusion. En investissant dans de telles stratégies, nous pouvons valoriser la culture littéraire burundaise et encourager l’épanouissement des talents locaux, et donc faciliter l’accès au livre“.

Raconter les vécus

En attendant l’avènement de cette politique du livre soulignée par le Président Ntibantunganya et qui avait été formulée parmi les grandes recommandations des états-généraux de la culture de mai 2022, des initiatives privées se mobilisent. Ainsi, Lionel Ntasano a annoncé le lancement en cette année 2023 d’un prix littéraire national, “Le Gusoma”, porté par les Éditions Gusoma avec le soutien du Ministère en charge de la Culture et la Coopération Suisse à travers le Programme Ku.Ziko: “Doté d’une récompense initiale de 5.000.000Fbu par auteur et ouvert à tous les Burundais, y compris ceux de la diaspora, cette initiative permettra de populariser l’écriture, célébrer les talents littéraires burundais et souligner la littérature burundaise à l’international“. Un concours littéraire qui s’adressera aux textes en kirundi et en français.

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Xavier Ngendakumana, Chef de bureau chargé des affaires sociales et culturelles à la Primature

Justement, si Napoléon Ahishakiye, éditeur aux Éditions Gusoma a souligné “l’urgence d’ailleurs souvent rappelée, de préserver le patrimoine linguistique et culturel du Burundi, qui évolue autour du kirundi“, Xavier Ngendakumana, Chef de bureau chargé des affaires sociales et culturelles à la Primature a loué “l’importance de créer des héros burundais dans l’imaginaire collectif. Les talents littéraires peuvent par exemple se saisir des exploits des militaires burundais déployés en Centre Afrique ou en Somalie depuis plus d’une dizaine d’années. Ce serait exceptionnel pour les lecteurs burundais de découvrir ces vécus extraordinaires, les valeurs qu’ils portent, sous un angle romanesque

Clôturant ce débat du 13/04/2023 à l’IFB, Jeanne d’Arc Nduwayo, auteure et présidente de l’ABEPL s’est félicité “tout autant de la diversité des propositions pour faire vivre la lecture et l’écriture au Burundi, notamment par la mise en place d’une politique du livre, que de la présence des profils diversifiés et complémentaires à notre rencontre, des hautes instances gouvernementales comme la Primature et le Ministère de tutelle, aux éditeurs, le monde académique, les médias, le public“.

Ce texte a été rédigé par Dieudonné Bwitonzi, et édité par Roland Rugero, tous de la Rédaction Jimbere, dans le cadre du programme de popularisation et de promotion de la culture KU.ZÎKO.